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Maurice Verte, être le premier pays au monde à opérer une transition écologique totale

Vendredi dernier, s’est tenue à l’hôtel Labourdonnais de Port-Louis, une conférence publique sur le thème « Les excès de la mondialisation » initiée par l’Association of Mauritian Manufacturers. Cette dernière était animée par Thomas Guénolé, politologue et éditorialiste français, auteur de « La Mondialisation Malheureuse ». L’essayiste mettait en lumière un projet de grande envergure pour le pays : celui de placer Maurice comme le premier pays au monde à opérer une transition écologique à 100 %.

 

 

Ce temps d’échanges sur l’analyse de la mondialisation et des déséquilibres socio-économiques engendrés était aussi un exercice de prospective permettant aux différents acteurs du marché mauricien de se questionner collectivement sur l’ouverture du pays en tant que SDIS (Small Developing Island States). Dans la perspective d’un alter système au modèle actuel de globalisation, voici un résumé des quelques questions abordées durant la conférence : qui sont les gagnants et qui sont les perdants de la mondialisation, comment corriger les dérives et l’accroissement des inégalités, ou encore comment défendre nos spécificités économiques insulaires face aux grandes nations industrielles.

 

Oublier les idées reçues

On entend régulièrement les différents acteurs de l’économie mauricienne souhaiter positionner Maurice comme le Singapour de l’océan Indien. Mais cette perspective de devenir le tigre de l’océan Indien, n’est que peu probable, ni même souhaitable pour l’économie du pays, et ce, pour diverses raisons.

Le modèle économique Singapourien est un modèle où les fondamentaux agricoles ont été oubliés au profit des activités fiscales. Le taux d’endettement est supérieur à celui du PIB et la dette extérieure est proéminente, des situations déconseillées pour la plupart des économies.

 

 

Certes, notre pays possède une attractivité fiscale importante comme Singapour, mais cela ne suffit pas. Singapour est à plus de 70 milliards d’exportations par an, une immensité par rapport à notre petite île, qui en serait incapable au vu de ses capacités démographiques. Pourquoi viser si gros, alors que l’île peut se positionner sur un marché de niche plus lucratif et accessible à son économie ? Thomas Guénolé conseille d’adopter un projet de développement tenant compte des caractéristiques propres de la nation, plutôt que de se calquer sur ce modèle étranger inadaptable à la démographie de l’île.

 

Maurice finira-t-elle bankrupt ?

L’économiste a également déclaré que la situation de l’île Maurice lui rappelait étrangement celle de l’Islande dans les années 2000. Explications : auparavant, l’Islande misait tout sur sa surexpension financière au détriment du reste de son économie et cela a conduit à une crise financière sans précédent pour le pays. L’Islande était alors déclarée « Bankrupt ». Espérons qu’un sort différent soit possible pour notre petite île si l’expansion financière cesse de proliférer dans le pays au profit d’autres activités économiques, comme les TIC.

 

 

Le projet Maurice Verte

Pour établir son projet Maurice Verte, Thomas Guenolé s’est appuyé sur de nombreuses données et études réalisées dans le pays et à l’international. Maurice Verte, regroupe ainsi un ensemble d’initiatives annoncées par des ONG de la région pour la pérennisation du climat.

Pour faire aboutir un tel projet, l’essayiste conseille un plan d’action de 10 à 15 ans. En effet, une ambition pareille nécessite une évolution graduelle, Rome ne s’est pas construite en un jour et Maurice Verte ne pourra pas y parvenir rapidement non plus. Une telle durée permettra au gouvernement de corriger les aléas du plan d’action, de détecter les situations où les ressources humaines nécessaires ne sont pas disponibles et ainsi d’effectuer des ajustements au fil du temps.

 

La mise en place du projet écologique

L’essayiste préconise l’installation d’une taxe carbone et d’autres taxes pigouviennes, comprenez des taxes imputant le négatif pour financer le positif. C’est aujourd’hui le levier le plus efficace au monde parmi tous les modèles, bien qu’il s’agisse d’un effet évident « baton/carotte ». Ces mesures permettront selon lui d’instaurer des allocations familiales et un salaire minimum aux Mauriciens de 10 000 Rs sans enfreindre la compétitivité du pays.

 

 

Devenir une économie verte implique de nombreux changements dans la société actuelle, loin d’être une référence en matière d’écologie. Fini les dépendances énergétiques envers les autres pays, adieu la part belle aux géants pétroliers et au tourisme de masse, loin d’être des modèles en matière d’écologie. Dites bonjour à l’éco-tourisme, au zéro déchet, aux énergies vertes et à l’agriculture / pêche raisonnées. Des initiatives qui mettront un temps certain à se mettre en place et qui peuvent même sembler irréalistes à l’heure actuelle.

 

Le positionnement Made in Moris à l’export

Il faut aujourd’hui se demander quel est le positionnement actuel du pays. Pour certains pays, le positionnement est très clair. Par exemple, on associe la Suisse au perfectionnement, mais quel est réellement le positionnement actuel de l’île ? En possède-t-elle même un ? Rien n’est plus certain.

Maurice verte pourrait placer le Made in Moris comme un achat vert, de raison. À la question, est-ce que les acteurs internationaux seront prêts à débourser plus pour se procurer les produits de notre île ? L’économiste répond oui sans hésitation. Ce marché de niche existe déjà à l’étranger et fonctionne, il rappelle qu’évidemment, on ne pourra pas envahir le monde avec les produits Made in Moris, mais au final, ce n’est pas le but. Rappelons-le, Maurice doit se fixer des objectifs adaptés à sa taille. Il s’agira selon lui d’une niche plus qualitative permettant un salaire décent aux producteurs de la région.

De plus, ce positionnement permettrait de mettre au premier plan l’économie mauricienne dans le monde entier. Ce serait un coup marketing extrêmement bien réussi, un peu à l’image du Bhoutan, pays qui a indexé un Bonheur National Brut. Grâce à cette initiative, le pays est passé sur le devant de la scène internationale et a su relancer son économie.

 

 

Un projet futuriste

Maurice Verte, ce projet ambitieux pour que l’île Maurice devienne le premier pays au monde à accomplir une transition écologique totale, a remporté un franc succès auprès des différents participants à la conférence. Certains ont salué le travail de l’essayiste qui a su expliciter de façon claire et convaincante les différentes informations communiquées depuis plus de 5 ans par la société civile et les ONG de la région. D’autres ont salué l’initiative, rappelant qu’il est en grand temps de repositionner Maurice en tant que leader de l’énergie verte. C’est notamment le cas de Yan Hookoomsingh, CSR Manager de la HSBC et activiste du développement durable, qui a rappelé la position de Maurice il y a 15 ans de cela. Le pays était alors cité comme un exemple des énergies renouvelables, mais cette époque est malheureusement loin derrière nous.

L’essayiste a brillamment conclu la conférence publique par une citation de Mark Twayne, « ils ne savaient que c’était impossible, alors ils l’ont fait » pour rappeler la faisabilité et l’importance de ce projet ambitieux.

 

Thomas Guénolé.

 

A propos de Thomas Guénolé

Le 15 septembre 2016, Thomas Guénolé a publié l’essai « La Mondialisation malheureuse », aux éditions First.  Il décrit ainsi son propos :

« J’appelle « mondialisation malheureuse » l’entreprise politique de pillage des ressources humaines et matérielles de notre planète par une infime minorité de l’humanité. Certains les appellent les 0,1 %. Je préfère les qualifier d’« oligarques », car ils forment une oligarchie au sens d’Aristote : le règne d’un petit nombre à son seul profit. Les 62 plus grands oligarques de la Terre détiennent à eux seuls autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité, c’est-à-dire 3,5 milliards de personnes. » 

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