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E-COI 2020 : booster l’économie numérique de la zone océan Indien

Horizon 2020

La Commission de l’Océan Indien (COI) a organisé à Pointe aux Piments, Maurice, les 15 et 16 avril 2015, une conférence régionale sur l’amélioration de l’infrastructure numérique régionale et des services de haute bande passante.

Plus d’une trentaine de représentants des régulateurs nationaux, des opérateurs privés, des partenaires au développement, et d’experts de l’économie numérique ont pris part aux travaux de la COI, à savoir :

  • les représentants de l’Union des Comores, Madagascar, Maurice et Seychelles;
  • les représentants de groupements professionnels des TIC et de l’Union des Chambres de commerce et d’industrie de l’océan Indien (UCCIOI)
  • l’Ambassadeur-Conseiller à la représentation permanente de l’Estonie auprès de l’UE
  • les représentants des partenaires au développement (Union européenne, Agence française de développement, Banque africaine de développement)
  • les consultants qui ont rédigé et présenté les résultats de l’étude de la COI e-IOC2020
  • les représentants du secrétariat général de la COI.

Les parties prenantes en présence ont eu l’occasion d’échanger sur les opportunités et les défis communs à relever afin de faire converger leurs actions vers une E-économie régionale.

Les composantes d’un ambitieux programme régional, « e-COI 2020 » ont été défini sur la base du diagnostic et des propositions de l’étude sur « l’amélioration de l’offre large bande et de la compétitivité régionale » de la COI, financée par l’Union européenne (UE).

 

Le programme de l’« e-COI 2020

Le programme de l’« e-COI 2020 » proposé par la COI à l’UE pour un financement le sous le 11e Fonds européen de développement s’articulera autour de(s) :

  • l’amélioration de l’infrastructure numérique régionale afin d’aboutir à la baisse des coûts d’accès à la large bande passante : ce volet traitera également des aspects réglementaires afin de renforcer le contrôle des régulateurs sur les infrastructures;
  • besoins du secteur privé pour le développement de l’e-économie : il s’agit notamment de créer un cluster TIC régional avec la collaboration des professionnels du secteur et l’Union des Chambres de commerce et d’industrie de l’océan Indien (UCCIOI) ;
  • la formation et de l’émergence de pôles de recherche et développement au travers de la mise en réseau des institutions des pays membres et d’actions de renforcement des capacités des ressources humaines en phase avec les ambitions numériques nationales et régionales ;
  • la mise en place d’une plateforme numérique d’échanges, de coopération et d’intégration régionale : cette composante immatérielle vise à soutenir l’intégration régionale par l’échange d’informations et à accroître la visibilité de la région et de ses opportunités.

La concrétisation d’un tel programme nécessite un engagement politique, une implication soutenue du secteur privé et le soutien des bailleurs de fonds.

 

 

Une volonté politique ferme

Il ressort clairement lors de la cérémonie d’ouverture de cette conférence que l’impulsion de ce programme émane d’une volonté politique ferme.

Le Secrétaire général de la COI, Jean Claude de l’Estrac, a souligné que « l’enjeuest de taille : notre région est, et restera, relativement marginalisée si nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour une amélioration significative de la connectivité numérique régionale.

Le numérique conditionnera très largement notre compétitivité de long terme, notre capacité à innover, à générer de la croissance et à créer des emplois… Une augmentation de la couverture de haut débit de 10% engendre, d’après la Banque mondiale, une hausse de la croissance économique de 1 point à 1,4 point. ».

Il a rappelé combien il est essentiel que « nos Etats contrôlent mieux les infrastructures numériques » pour rattraper l’Afrique orientale et australe déjà reliée aux larges bandes passantes.

La représentante de la délégation de l’Union européenne à Maurice, Carla Osorio abonde dans ce sens en soulignant que pour les petites économies insulaires membres de la COI, l’accès à la large bande passante est une condition indispensable pour le développement des connaissances et des services, enjeu important de la croissance économique.

Elle constate que  la transformation numérique mondiale est en cours: plus de 65% de la population Européenne a accès au très haut débit avec un objectif de 100% (agenda digital européen 2020), et des projets massifs d’infrastructures sont en cours dans plusieurs pays d’Europe, d’Amérique, et d’Asie. Pourtant sur le continent Africain, seuls certains pays comme l’Afrique du sud, le Kenya ou le Botswana sont lancés dans de vastes projets afin de combler le retard.

Dans la région de la COI à peine 5% de la population bénéficie de ces services. Ainsi des réformes sont nécessaires pour améliorer la connectivité.

La représentante de la délégation de l’Union européenne à Maurice a observé que « certains pays ont déjà adopté les réformes nécessaires au niveau national pour favoriser cet accès, alors que d’autres souffrent encore d’une situation de monopole. Devant de telles situations et devant les besoins financiers importants de la connectivité numérique en termes d’infrastructures, la mutualisation des investissements et l’harmonisation des politiques sectorielles représentent un vrai enjeu pour la coopération régionale. »

« C’est tout l’intérêt stratégique d’une articulation réfléchie entre nos politiques nationales en matière des TIC et nos ambitions régionales » sous l’égide de la COI, a souligné Pravind Jugnauth, ministre mauricien des Technologies, de la Communication et de l’Innovation, dans son discours d’ouverture. Le gouvernement mauricien, qui prépare un plan stratégique quinquennal pour le numérique, « Smart Mauritius », prévoit également de connecter le pays à un troisième câble sous-marin à fibre optique.

Cette conférence de la COI a également été l’occasion de lancer les prémices d’une coopération avec l’Estonie, centre d’excellence européen en matière de TIC. L’Ambassadeur Jüri Kahn a présenté l’expérience estonienne et indiqué l’intérêt de son pays à soutenir les initiatives régionales et nationales. L’idée d’ouvrir dans la région une e-Governance Academy en collaboration avec l’e-Governance Academy estonienne a emporté l’adhésion des participants.

 

Interview de son Excellence M.Jüri Kahn Ambassadeur d’Estonie.

 

L’analyse des experts et des parties prenantes : impératif d’accroître les échanges commerciaux numériques des pays de la COI

La question de l’amélioration de l’infrastructure numérique régionale permettant d’aboutir à la baisse des coûts d’accès au service de large bande passante a été au cœur des débats. Toutes les parties prenantes s’accordent à en définir comme une priorité afin d’abolir l’isolement géographique des membres de la COI.

L’insularité qu’engendre la fragilité des îles de l’océan Indien impose le développement d’une e-économie, et subséquemment des infrastructures, qui conditionnera l’avenir économique des Etats membres de la COI actuellement marginalisés sur la carte numérique mondiale et africaine.

Prenant conscience de leurs faiblesses, les pays de l’Indianocéanie se sont engagés dans une dynamique continue de diversification au profit des secteurs de l’industrie et des services qui repose largement sur les technologies, les données et la connectivité numérique.

Les échanges entre les experts et parties prenantes en présence ont statué sur les contraintes faisant obstacles à une véritable baisse des coûts, condition nécessaire à l’émergence d’une véritable économie numérique dans la zone océan Indien :

  • d’abord, la situation de quasi-monopole des opérateurs historiques qui constitue un frein considérable dans l’avancement de la région vers une société digitale. En effet, cette situation résulte du fait que les Etats ont laissé aux opérateurs la responsabilité du développement des infrastructures relatives à la connectivité digitale, contrairement à la connectivité régionale maritime et aérienne ;
  • en outre, les infrastructures numériques du sud-ouest de l’océan Indien ne répondent pas aux normes internationales en matière de sécurité et de résilience afin d’inspirer confiance aux opérateurs privés pour faciliter l’interconnexion des infrastructures numériques de l’océan Indien avec les réseaux continentaux et internationaux ;
  • enfin, la région de l’Indianocéanie éprouve des difficultés pour convaincre les partenaires de développement de la pertinence d’appui financier et ainsi accéder aux financements nécessaires pour le développement de l’infrastructure régionale pour la connectivité numérique.

 

 

De ces contraintes émane une problématique commune qui est le manque d’échange en termes de flux numérique entre les pays membres de la COI pour faire baisser les coûts.

Comme le montre la carte ci-contre, certains câbles existent entre les Etats mais l’insuffisance du volume de trafic rend leur coût d’utilisation très onéreux. De ce fait, on ne constate aucune connectivité entre les états-îles. Les trafics échangés entre ces îles passent par Paris-Londres ou Frankfort – paradoxalement moins coûteux !

Les défis à relever ne sont pas uniquement d’ordre technique ou de financement des infrastructures mais aussi commercial de par la nature des échanges actuels. Les clients ou partenaires des sociétés du secteur des TIC des pays de la COI étant majoritairement en Europe, un volume de trafic commercial très important est généré entre l’océan Indien et l’Europe.

L’existence de ce volume rend moins cher le coût d’accès à la large bande passante en transitant par les câbles internationaux.

La situation paradoxale est la suivante pour les parties prenantes : d’une part, le coût de la bande passante entre les îles est élevé car le volume de trafic inter-îles est faible, de l’autre le volume de trafic est faible car le coût est élevé !

Devant ce dilemme, la question pertinente, selon les experts, serait « quel devrait être le coût du mégabits à supporter entre les Etats ? » pour permettre la réduction des coûts facilitant l’augmentation de la densité nationale en large bande passante et le volume de flux numérique inter-îles.

La réponse à cette question suppose une volonté et des actions communes tant au niveau autorités publiques que du secteur privé consistant à considérer:

  • une mutualisation des ressources et une convergence des actions des pays sachant que la majorité d’entre eux souhaitent augmenter leur capacité en infrastructure. Il s’agit pour les membres de la COI de collaborer ensemble dans une logique de complémentarité afin qu’ils puissent capitaliser sur leurs atouts pour mieux se connecter à l’Afrique, continent en plein essor économique ;
  • la création d’un environnement d’affaires propice au développement de l’économie numérique favorisant l’accroissement des échanges entre les pays membres, notamment par la création d’un cluster TIC régional. Il importe pour le secteur privé de définir leurs axes de coopération afin qu’ensemble les sociétés des différents pays puisent collaborer pour s’exporter.

Pour reprendre Henry Ford « Se réunir est un début ; rester ensemble est un progrès ; travailler ensemble est la réussite. »

 

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