A mi-chemin entre le développeur en entreprise et le jeune entrepreneur, Nirvan Pagooah a 22 ans et a plusieurs cordes à son arc. Parce que quelques minutes ne suffisent pas, il a pris quelques jours pour nous narrer sa folle aventure.
Nirvan, tu es ce que l’on appelle un développeur polyvalent. Peux-tu nous dire en quoi cela consiste ?
Etre multipotentiel est un but inatteignable, voire un mythe, selon de nombreux ingénieurs, développeurs, designers et consultants. En fait, c’est quelque chose que l’on atteint en travaillant dur durant des années, grâce à l’expérience, la formation intensive, la préparation psychologique, l’investissement personnel, mais il faut garder à l’esprit que c’est aussi une question de passion et d’intérêt pour ce que l’on fait. De même, il faut être autodidacte, de manière à apprendre et à évoluer à son rythme et selon les moyens que l’on se donne. Il faut également être à l’affût des nouvelles technologies et des plus grands défis qu’elles représentent, car tout est lié à l’ingénierie.
Donc, en premier lieu, je dis que je suis multipotentiel pour expliquer aux autres ce que je fais, et pour me situer dans ma carrière. Par le passé, la pluridisciplinarité était très peu courante, du fait que tout était considéré séparément : chaque personne faisait son travail, et il y avait donc une distinction bien claire entre les salariés. Aujourd’hui, il est difficile de faire une seule chose à la fois : se contenter de coder plutôt que de prendre d’autres responsabilités comme le développement de produits d’arts visuels digitaux.
En fait, maintenant, être plus qu’un petit contributeur est exactement le principe de la pluridisciplinarité. Pour être un bon développeur polyvalent, il est fondamental d’être habitué et d’avoir une bonne compréhension des sujets divers tels la Recherche et le développement, le Développement front-end, le Design et l’Expérience utilisateur (UX), le Développement back-end, la Gestion des données, la Gestion de serveurs et le réseautage, la Relation clientèle ou encore la Gestion de projet. Cette liste est non-exhaustive, mais ce sont les points importants que j’estime qu’il faut savoir.
Quelles sont tes compétences ?
Ma carrière a débuté quand j’avais 13 ans, alors que j’avais commencé mon premier blog sur Blogspot. J’y postais des billets sur les tendances de l’univers tech. En parallèle, j’étais vraiment impressionné par le développement et ce que l’on peut réellement créer grâce à ces procédés. C’est alors que m’est venue la vocation de travailler dans les technologies et les systèmes d’information.
Durant toutes ces années, je me suis débrouillé pour acquérir diverses compétences, et c’est là que mon autonomie et mon envie d’apprendre en autodidacte m’ont beaucoup aidé. On doit comprendre des choses que les choses que l’on va utiliser dans la vie nécessitent un certain apprentissage et que certaines d’entre elles ne seront pas enseignées en cours. Je me suis donc fait un devoir de les découvrir.
Voici donc les domaines dans lesquels j’ai des compétences et dans lesquels je suis spécialisé :
– Conception de système
– Développement front-end et conception d’interface utilisateur
– Gestion de projet
– Développement back-end et intégration système
– Planification des ressources d’entreprise
– Design et branding
– Développement d’applications
– Business intelligence et big data
Où travailles-tu aujourd’hui et quelle est ta mission ?
Je travaille actuellement pour La Sentinelle Digital (LSL), l’annexe digitale de La Sentinelle. La mission de cette agence est de mettre les nouvelles technologies au profit de plateformes digitales opérées par La Sentinelle. De mon côté, je suis développeur front-end, en charge de la conception, l’implémentation et la maintenance des systèmes pour toute l’entreprise et notamment son activité phare, lexpress.mu.
Techniquement, l’équipe de développement est composée de quatre développeurs et d’un administrateur système qui gère tous les systèmes digitaux de l’entreprise. Pour être honnête, j’estime travailler dans un environnement qui me plaît, d’autant plus que j’ai des collègues dynamiques, engagés, passionnés et qui sont fiers et tirent une certaine satisfaction de ce qu’ils font jour après jour.
Beaucoup se demanderont pourquoi j’ai laissé l’entrepreneuriat pour travailler au sein d’une entreprise. C’est par-dessus tout un choix personnel. Au cours de ma carrière, j’ai eu la chance de travailler avec diverses compagnies du monde entier, mais je n’avais pas vraiment de notion du travail au sein de plus grandes équipes. Travailler en équipe est différent, et c’est plutôt fun, mais quand il y a du travail, et bien… il faut bosser !
Pourquoi as-tu choisi d’être développeur ? Et pourquoi la polyvalence ?
Je n’ai jamais choisi d’être développeur en particulier. Ce sont plutôt ma passion et mes connaissances qui m’y ont amené. Je n’avais jamais imaginé qu’un jour je gagnerais ma vie en faisant ce que j’aime. Aussi, l’IT est un vaste secteur, qui englobe une multitude de jobs aussi différents les uns que les autres. A mon avis, l’IT était, est et restera un pilier très important pour notre économie.
Ce que je fais en ce moment peut s’intégrer dans tous les domaines. Un simple exemple : pour la comptabilité, vous aurez besoin de développeurs pour le développement de logiciels de comptabilité.
L’IT et tous les secteurs qui s’y rapportent ne cesseront d’évoluer, c’est un domaine qui défie les gens autant qu’il les récompense, où l’imagination et la créativité ont leur importance. Voilà pourquoi j’ai choisi ce secteur en particulier.
Pour ce qui est de ma polyvalence, comme je l’ai dit plus haut, enrichir mes connaissances et mes compétences me permet de travailler au sein d’équipes vastes et diverses dans le monde entier. C’est une nécessité absolue, surtout quand tu es en freelance. En tant que développeur polyvalent, qui comprend les divers aspects du développement, je trouve qu’il est facile de comprendre les demandes et de pallier le fossé entre le front-end et le back-end.
Tu as également un parcours entrepreneurial solide. Peux-tu nous en dire plus ?
En fait, mon parcours entrepreneurial a débuté avant mes 18 ans et, pour être honnête, j’ai connu de nombreux coups durs à cette époque. Au début, c’était vraiment le désert, zéro projet pendant plusieurs semaines et j’étais vraiment désespéré. Parfois, je doutais de ma décision jusqu’à ce que je réalise que tout était une question de risque.
A l’époque, j’ai proposé à de nombreuses entreprises de collaborer avec moi contre de très faibles montants et elles refusaient, arguant n’avoir pas besoin de ce type de services. Plus tard, ces mêmes entreprises sont revenues vers moi pour collaborer. Malheureusement, j’ai dû refuser à mon tour car j’avais beaucoup trop de projets en cours. Mais ce qui est chouette, c’est que j’ai appris à devenir polyvalent et à gérer plusieurs choses en même temps grâce à ce parcours.
J’ai reçu le prix du « Most Entrepreneurial Attitude » par la JCI en 2015 et c’est l’un des paliers les plus importants de ma vie.
J’aurais énormément de choses à dire sur l’entrepreneuriat, mais pour résumer, je pense qu’il faut être réaliste dans ses décisions. Etre visionnaire et adopter une bonne stratégie, c’est la clé.
Ton jeune âge t’a-t-il déjà posé problème au cours de ta carrière ou, au contraire, es-tu plutôt vu comme un professionnel admirable ?
Je dois admettre que mon jeune âge m’a été préjudiciable, mais cela a aussi été bénéfique car on me voyait comme le jeune courageux et polyvalent. Quelques personnes étaient au courant de mon potentiel et me soumettaient des projets. J’avais donc beaucoup de temps pour faire du freelance et travailler sur de petits projets, alors que le concept était encore peu connu à l’époque.
Mon âge m’a posé problème lorsqu’il fallait raisonner les clients sur la qualité et le temps passé sur le travail. Ce n’est pas parce que tu es jeune que tu vas rendre un travail de mauvaise qualité. Il fallait que je puisse faire entendre ma voix et c’était un vrai challenge.
D’un autre côté, mon âge m’a été bénéfique, comme je le disais. J’ai eu la chance de travailler avec plusieurs clients au niveau national comme international, qui ont vraiment apprécié la qualité du travail fourni par une entreprise que je gérais alors que je n’avais que 20 ans. Aujourd’hui, je travaille avec l’une des plus grosses startups du pays, et qui gère le site le plus visité à Maurice : lexpress.mu.
Quel est ton ressenti vis-à-vis de ton parcours ?
Pour être honnête, je viens de loin et ça n’a pas toujours été facile. Je suis bien évidemment fier et satisfait de tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, mais ça a demandé beaucoup de persévérance. Parfois, pour acquérir certaines choses, il faut y passer beaucoup de temps. Quand mes amis s’amusaient pendant les vacances après la Form V, j’étais dans mon coin à apprendre à coder. Au final il faut surtout apprendre à gérer son temps, et à le consommer de manière intelligente.
J’ai encore beaucoup de chemin à parcourir, on ne s’arrête pas d’apprendre, même quand on est vieux !
As-tu un message à faire passer à nos lecteurs ?
Premièrement, on lit souvent que la clé du succès, c’est ceci ou encore cela. Il n’y a pas réellement de clé du succès. C’est à toi de constituer ta propre clé, qui ouvrira les portes que tu souhaites ouvrir. Et pour cela, il faut être prêt. Il ne faut reculer face à rien tant qu’on n’a pas essayé, et je dirais même qu’il faut reculer pour mieux sauter.
Deuxièmement, j’ai un message pour toutes les personnes qui travaillent dur pour remplir leur frigo et payer leurs factures : peu importe ce que vous êtes en train de vivre, c’est peut-être temporaire. Souvenez-vous que cela peut vous être bénéfique, n’abandonnez jamais si ce n’est pas pour du meilleur ! Aussi, apprenez de vos erreurs, car le succès, même s’il est plus joyeux, ne nous apprend rien.
Enfin, si vous voulez être performant dans tout ce que vous entreprenez, pratiquez au maximum. Personne ne maîtrise un sujet dès le départ. Enfin, si vous voulez rencontrer des personnes cool et un peu geek… n’hésitez pas à vous rendre aux Code & Coffee organisées par la Mauritius Software Craftmanship Community. Il y a également la Developers Conference, un événement annuel qui en sera bientôt à sa troisième édition. D’ailleurs, j’y serai cette année 😉