Après le magasin sans caisses, qui a ouvert en janvier à Seattle, Amazon se dirige une fois de plus vers l’automatisation du travail en obtenant le brevet d’un système électronique permettant d’épier les gestes de ses employés. Le dispositif prendrait la forme d’un bracelet connecté qui, pour Amazon, répondrait à une volonté d’augmenter la productivité des salariés qui travaillent dans les entrepôts de stockage de l’entreprise. De nombreux responsables des quatre coins de la planète tirent la sonnette d’alarme face à cette perspective inquiétante.
Un outil au service de la culture d’entreprise du titan
Ce bracelet connecté est équipé d’un système qui suit les mouvements des mains de son utilisateur. Par exemple, lorsque ce dernier pose ses mains au mauvais endroit, le bracelet émet des vibrations. Des ultrasons et des ondes radio émis par cet outil permettent de récolter les données des gestes de l’utilisateur. Cet outil pourrait aussi surveiller la durée de pauses des salariés.
Une technologie qui attire les foudres sur le géant du commerce en ligne, ce dernier n’étant pas réputé pour dorloter ses employés par ailleurs. En 2015, le New York Times dénonçait les méthodes de management d’Amazon en les qualifiant de « néfastes ». En effet, celles-ci reposent notamment sur l’incitation à la dénonciation. L’enseigne avait créé un « bad buzz » en novembre dernier en lançant un « concours » entre tous les salariés de son entrepôt de Lille. Lorsque ces derniers dénonçaient les manquements aux règles de sécurité de leurs collègues, ils obtenaient un bon point avec une récompense à la clé. « l’annuaire interne montre aux collègues comment envoyer des retours secrets sur les managers d’untel ou d’untel. Les employés révèlent que cela est fréquemment utilisé pour mettre des bâtons dans les roues d’autres personnes » rapporte Bo Olson, un ex-employé.
Les conditions de travail très difficiles s’illustrent par le mal-être des salariés au travail : « j’ai vu presque toutes les personnes avec lesquelles j’ai travaillé pleurer à leur bureau », ajoute-t-il. Un autre ajoute : « Si vous êtes un bon Amazonien, vous devenez un robot ».
Aussi, Amazon fait l’objet de nombreuses critiques compte tenu de la pression et des objectifs infligés à ses employés. « Je dois ranger chaque article en 15 secondes ou moins, et passer en revue 250 objets par heure, sinon un gestionnaire me donnera un avertissement, faisait part un salarié de 24 ans au Guardian la semaine dernière. S’éloigner de mon poste pour boire un verre d’eau peut avoir un grand impact sur ma performance. »
Un mouvement de grève en Italie et en Allemagne chez Amazon a menacé le Black Friday en novembre dernier en réaction à cet environnement de travail inacceptable. « Amazon joue avec la santé de ses employés. La pression pour faire plus en un minimum de temps, les évaluations de performance et la surveillance sont permanentes » alors que les temps de récupération sont « insuffisants », dénonçait Verdi, le principal syndicat allemand des services.
Cette nouvelle atteinte à la liberté et au bien-être des travailleurs a donc soulevé une polémique qui s’enflamme partout dans le monde, à commencer par l’Italie où la secrétaire générale de la Confédération générale italienne du travail, Susanna Camusso, s’interroge par exemple : « Est-ce qu’il y aura aussi le boulet au pied ? ».
Amazon réfute ces accusations
Le brevet stipule que cet outil permet de vérifier la bonne réalisation des tâches assignées aux salariés, telles que l’inventaire ou les préparations de commandes. Déposé en 2016 et validé la semaine dernière par le bureau américain des brevets, il ne prouve pourtant pas que ces bracelets seront bel et bien produits. Pour Amazon, la spéculation sur ce brevet est « erronée ».
L’entreprise se défend : « Comme la plupart des entreprises, nous avons des attentes de performance pour chaque employé et nous mesurons les performances réelles par rapport à ces attentes. Elles ne sont pas conçues pour suivre les employés ou limiter leurs capacités à prendre des pauses. »
En effet, l’enseigne décrit ce bracelet comme un outil d’optimisation du travail qui permettrait de faciliter la vie de ses employés. Elle se réfère alors aux scanners portables utilisés dans le monde du business pour vérifier les stocks et remplir les commandes. Ce système, s’il venait à être mis en place, permettrait d’après l’enseigne d’améliorer le processus pour ses salariés. En effet, déplacer l’équipement aux poignets des employés représenterait un moyen de libérer leurs mains des scanners et leurs yeux des écrans d’ordinateur.