Le 3 octobre dernier, l’équipe d’ICT.io se rendait à Saint Denis à La Réunion à l’occasion du forum international de la transformation numérique en Afrique et dans l’Océan Indien, le NxSE. L’événement organisé par Digital Réunion a rassemblé près de 80 speakers en provenance de 12 pays différents et a vu son affluence doubler depuis l’édition précédente en 2016.
Un succès, donc pour ce rassemblement organisé par et pour les entrepreneurs, autour de thématiques fortes telles que la santé numérique, l’industrie du futur, le e-tourisme, les smart cities, ou l’agriculture connectée. Retour sur les points clés du forum venu souligner l’importance du numérique dans les domaines traditionnels devenus secteurs d’avenir sur l’île et en Afrique.
L’innovation numérique au cœur du développement des territoires et des populations
L’innovation numérique est une réelle opportunité de croissance et de développement en Afrique. En 2016, les investissements dans les start-up digitales ont d’ailleurs augmenté de 30% et ont été estimés à plus de 350 millions de dollars. On réalise en effet que le numérique peut réduire les coûts, augmenter la productivité, améliorer la santé ou faciliter l’accès aux autres marchés. Le numérique n’est donc pas uniquement un gadget.
Dans le secteur agricole, François Christiaens de l’Alliance nationale de la recherche sur l’Environnement a expliqué l’énorme potentiel des drones capables d’observer les champs grâce à leurs capteurs, et ce de manière plus précise que les satellites. Ils pourraient ainsi permettre d’éradiquer les mauvaises herbes et les maladies des cultures. Dieudonné Okalas Ossami, fondateur de E-Tumba, est quant à lui convaincu que l’utilisation de l’IOT (objets connectés) peut venir réduire l’utilisation d’eau et de produits chimiques en augmentant la quantité des rendements.
Dans le domaine de la santé également, l’innovation numérique pourrait grandement améliorer le partage des données entre patients et professionnels de la santé. Cela permettrait de créer un véritable parcours de soin efficace. « Pour cela, il faut, réussir à rassembler professionnels de la santé et professionnels du numérique » comme l’explique Antoine Lerat, directeur de TESIS (Télémédecine échange et système d’information de santé). C’est la mission de La ruche e-santé convaincue qu’une prise en charge efficace du patient passe par une implication active de toutes les parties prenantes du digital et de la santé.
On peut enfin citer le secteur du tourisme où les clients sont particulièrement demandeurs d’une expérience digitale. Quand on sait que 84% des voyageurs recherchent leur vol en ligne, l’apport du digital apparaît déterminant en Afrique. D’autant plus qu’il s’agit d’une destination de plus en plus touristique, en témoignent les 135 millions de touristes estimés par l’OMT en 2030.
Quel écosystème pour favoriser l’innovation des start-up digitales en Afrique ?
Lors d’une table ronde sur l’innovation et le numérique, Vincent Pollet, fondateur d’ICT.io a pu échanger avec Alan Knott Craig, fondateur d’Isizwe. Son objectif est de permettre un accès à Internet pour tous en Afrique. Selon un rapport de l’organisation « Alliance pour un Internet abordable en Afrique ». Seule 16% de la population africaine est connectée. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de couverture mais aussi d’un problème de coût. La 3G est en effet trop coûteuse pour la majorité des Africains. Le point le plus important pour favoriser l’innovation des start-up digitales en Afrique est donc de leur donner accès à Internet. Pour Alan, il s’agit d’un « droit fondamental ». Il faut donc innover dans des moyens moins couteux pour déployer les réseaux. Cela ne peut être accompli qu’en étroite relation avec les gouvernements locaux.
La formation est également un point essentiel. Il n’y a pas assez d’expertise IT malgré une forte demande de la part des entreprises. Emilie Linkwang, directrice régionale du développement chez Epitech, explique que la formation numérique contribue à développer des pôles d’innovations, facteurs de croissance. Laissa Mouen Cofina de Startup House est venu appuyer ses propos lors de sa comparaison de l’écosystème des start-up en Afrique. Elle explique qu’« il n’y pas assez de développeurs et de UX/UI designers en raison d’un manque de formations appropriées et de capacités techniques et managériales ». Selon elle, il faut privilégier un état d’esprit anglophone où l’on préfère la pratique à la théorie. Cela a d’ailleurs permis le développement rapide des écosystèmes nigérians et kenyans.
Enfin, Elizabeth Peguillan, Maire du Village by CA qui a ouvert ses portes en mars 2017, a souligné l’importance pour les startupeurs de s’entourer des bonnes personnes et de fréquenter les lieux d’échange pour croitre. L’objectif de Village by CA est ainsi de créer un écosystème unique consacré au développement et à l’accompagnement des projets innovants. Un autre levier de croissance pour les jeunes entreprises réside dans le partage et la coopération avec les grands groupes. Cela permet en effet à chacune des parties prenantes puisse mêler leurs atouts respectifs.
Quelles perspectives pour les start-up de demain ?
Aujourd’hui, l’Afrique s’éveille aux start-up. Certains domaines s’annoncent particulièrement propices aux innovations technologiques.
Sébastien Lacour, créateur de Powertime, une application répondant à la problématique énergétique locale, est venu expliquer le potentiel que les Smart Cities représentent pour les start-up. Les Smart Cities ont besoin d’innovation dans leur économie, dans la gestion de leurs habitants, dans les problématiques de mobilité, de logement, d’environnement ou encore de gouvernance. Des start-up telles que SnapScan (solution de paiement), OurHood (une application favorisant l’entraide entre voisins) ou Powertime, émergent et doivent être encouragées afin de créer les villes africaines de demain.
Un deuxième secteur très prometteur est celui de la gestion des données. Selon Ludovic Narayanin, co-fondateur de DatarocksIO : « la data permet d’atteindre plus rapidement ses objectifs et de devenir leader sur le marché ». L’intérêt du data est en effet de réussir à toucher sa cible à l’endroit et au moment voulu.
Le secteur de la santé mis en lumière lors du NxSE 2017
L’écosystème French Tech Réunion, à travers sa labellisation thématique e-santé, souhaite renforcer l’expertise numérique de l’île dans ce domaine. Il s’agit aujourd’hui d’une véritable mine à exploiter pour les start-up africaines. C’est d’ailleurs le thème qui a été choisi pour le Hackathon NxSE 2017, une compétition de 48h dans laquelle 31 participants ont développé une solution healthtech sur le thème de la prévention. Annick Girardin, ministre française des Outre-mer a récompensé l’équipe gagnante. Le premier prix a été décerné à ActiZombie, un jeu vidéo favorisant l’activité physique chez les jeunes. Les joueurs y sont virtuellement poursuivis par des monstres auxquels ils doivent échapper en courant dans des lieux pré-établis.
Pour finir, la ministre a clos le forum en annonçant : « La Réunion est une terre d’excellence, d’innovation et d’inventivité ». Elle a d’ailleurs annoncé qu’elle permettra à 100 jeunes d’Outre Mer porteurs de projets de venir développer leurs projets 6 mois en métropole.